Parfois il faut dire les choses

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Photo E.S.

Parfois il faut dire les choses. Sans chercher à rimer, à rythmer ce qui l'est déjà, à circonscrire le sens par la métaphore.

Il faut dire le vide que l'on ressent quand on est plein, la tristesse d'avoir tout pour être heureux, la joie d'apprendre à en pleurer.

Cet amalgame confus de sentiments étonnement convergents dessine, lorsqu'il s'inscrit dans la durée, les contours d'une croyance en l'absurde, croyance assez forte pour emplir l'espace cognitif rendu vacant par le refus assumé du bonheur comme idéal de spiritualité moderne.

Ces pensers mal avouables sont bien légitimes pourtant. Certes, la notion souvent usurpée de l'absurde vaut ce qu'elle vaut en tant que modèle d'appréhension du réel. Elle est cependant salutaire en ce qu'elle exclut toute certitude, tout savoir. Là où le bonheur, notion statique et idéale, doit s'apprendre pour être su, l'absurde, notion mouvante et dissonante demande d'être supposé pour être cru.

Croire que le monde est régi par l'absurde ne rend bien-sûr pas heureux, mais ne réduit pas non plus l'existence au néant. Car l'absurde n'est pas absence de sens, il est absence de sens extérieur au moi, au sens que l'on crée par ce en quoi l'on croit, il est confrontation de ce sens et de ce non-sens. Cette confrontation est saine lorsque savoir que le bonheur existe n'apaise en rien le douloureux pèlerinage d'exister.

Surtout, pour ce que cela laisse d'ouvert, d'indéfini et d'individualité responsable, croire vaudra à tous égards et de tout temps mieux que savoir.