Finitude

DSC_3151.jpg
Photo E.S.

Le ciel sera toujours
Les cieux resteront mêmes
Nous ne sommes que trop sourds
Aux vérités qu'on aime

Rien à gagner de vivre
Rien à perdre non plus
Feuilleter le grand livre
Déjà est un début

Arrimés au vieux monde
Osons donner le tour
Arrimés au vieux monde
Existons sans détour

Puis bien que tout soit vain
N'oublions pas l'humain
Et créons de nos mains
Le sens d'être demain.

Arrimage

DSC_5402__2_.jpg
Photo E.S.

Bruit blanc
Embruns
Vague
Ressemblance
Lentement
Exaspère
Le sable

Noir d'encre
Jetée
Rouleaux
De papier
Cette langue
Amarée
Haute

L'eau roule
Ses bosses
En bleus
Déliés
Se noyant
Le poème
S'écrie

Obscures identités

DSC_3938__2_.jpg
Photo E.S.

Le soleil mort est triste comme une horloge antique
Dont les cahots pulsés égrènent ce qui vit
C'est qu’exhalant sans cri son haleine mystique
Le soir vient préluder belles orgues de nuit

Les cieux glissés par l'allure vive du trotteur
Sont blancs ou bleus imperceptiblement divers
Les yeux plissés en décomposent les lueurs
Puis s'écarquillent en scrutant leur vaste misère

Car le grand tableau vide et tendu fermement
Aux crépuscules ternes attendant leur tourment
Reflète comme l'art les éclats du grand monde

Mais quand, achevée et signée par les grands vents
La toile se lacère de pans d'ombre en s'éteignant
Elle n'est que la copie de tous les soirs du monde

Ce qui reste debout

DSC_4679OK.jpg
Photo E.S.

Lances choquées
Contre l'immense
Fatalité
Du grand silence

Montent au loin
Et semblent dire
Ne romprai point
Pliant au pire

Mais vint le jour
Où l'on douta
Que ces mots vains
Fussent si droits

D'en haut alors
Vint s'appuyer
Sur ces mots forts
Le soleil né

Les poteaux fiers
Devinrent de verre
Et tranchant l'air
Ils s'éfondrèrent

Ceux croyant dur
Sont comme fous
Doutons de tout
Le reste est sûr

Luxuriances

DSC_4576OK.jpg
Photo E.S.

Feu d'artifice informe
Figé aux flancs inertes
Brûlant de flammes vertes
En fulgurances énormes

Que larges sont ces palmes
Nageant dans les vents calmes
Et dont les gras reflets
Inondent la forêt

Chauffé en taches claires
Par les rais qui se penchent
Au seuil de la peau blanche
Tendue en haut des airs

L'océan de vie lente
Aux vagues végétales
Fait croître ce qu'il plante
En oeuvres verticales

Rien ne peut justifier
Ces élans stupéfiés
Le beau se cachant là
Dans ce qui n'est qu'en soi

Affranchissements


DSC_4002__2_.jpg
Photo E.S.

A grandes enjambées
Déplier sous ses pas
Les parchemins usés
Des cartes tant rêvées
C'est aussi déplier
Ce rêve
Le consummer un peu
En oubliant parfois
Qu'il devint assez grand
Pour nous amener là

Il fut pourtant trop faible
Pour ne pas nous laisser
Dans la torpeur des jours
Qu'il savait faire briller
Car en se laissant faire
Il s'amoindrit au point
De n'être que ce vrai
Ce quotidien nouveau
Et désarticulé
Qui désormais s'impose
Comme réalité

Pour mieux porter le deuil
De l'idéal usé
Et trop domestiqué
Il faudrait l'exister
Ivre de cette immense
Et froide indifférence
A soi
Franchir enfin le seuil
De la simplicité

Le trajet n'est plus rien
Alors qu'un pas précis
Osant creuser la nuit
Nous mène où tout est bien

Fable burlesque

DSC_3627__2_.jpg
Photo E.S.

N'est jamais vraiment lourd
Ce qu'on ne porte pas
Le faire porter à d'autres
En allège le poids

Il le faut pourtant voir
Ce n'est vrai qu'à moitié
Nous nous sommes faits avoir
Par l'objectivité

Ces bons scientifiques
Veulent bien démontrer
Par leur savante clique
L'universalité

Vous me voyez messieurs
Fort désolé ma foi
De faire contentieux
Pour affaire de bras

Mais aux porteurs bien nés
La charge est une plume
Alors qu'aux poids légers
Elle devient une enclume

Cette fable burlesque
Pour dire s'il le fallait
Que la vérité reste
A celui qui la fait

Vogue l'âme

DSC_3400.jpg
Photo E.S.

Corps et esprit sont les deux rives
D'un fleuve immense au nom connu
L'âme tranchante n'y dérive
Fendant de sa proue l'onde nue

L'esquif émoussant cette lame
Semble jouer sur les remous
Mais dans la vigueur de ses rames
Point un désespoir simple et doux

Car l'eau si vaste s'amaigrit
Les terres de face se sourient
Et se découvrent un air connu

Puis l'âme et tous les sentiments
S'échouent fort lamentablement
Et l'homme libre n'est plus rien

Absences

DSC_4395OK.jpg
Photo E.S.

S'en tenir aux prises pour mieux lâcher les faits
Du réel mal appris que plus rien ne rend vrai
Quand vivre se réduit au rêve d'un jour nouveau
Sans ne savoir pourtant ce que vraiment il vaut

Il fallait qu'à l'instant se levât un soleil
Fier et vitreux comme le blanc d'un oeil humide
Qui pourtant ne vint pas et nous restâmes vides
Des heures neuves qu'il eût permis par son éveil

Longtemps l'on attendit que se peuplât un peu
Le ciel resté creusé de remarquables absences
Puis l'homme se mit enfin à chercher son essence

Flotter tel un bois mort entre ces vieilles eaux
Que sont regrets bien fades et douceâtres espoirs
Est le prix de la quête en attendant le soir

Traversée

DSC_3133.jpg
Photo E.S.

Ciel d'ivoire
Clair au soir
Sombre et luit
Vert de nuit

Porte aux songes
Qui allongent
Les traces ensablées
Du marchand accablé

Voir ce ciel
Pluriel
Fuir les cendres
Clair d'aube tendre

Etre soi c'est s'y faire

DSC_3246.jpg
Photo E.S.

Pierre ligneuse
Croit sans regret
En végétant
Faire souhait

D'être bois
Qui grandit
Et aussi
D'être soi

Bois pétrifié
Serre le grès
Croît sur la ruine
Un long projet

D'être pierre
Qui pourvoit
Enfin fier
D'être soi

Déguisement
Des éléments
Qu'évidemment
Le vrai dément

Grandir pourvoir
C'est sans espoir
Trouver bien loin
Autre être que
Soi

Creuser le moi
C'est avec foi
Souffrir en vain
De n'être que
Soi

Parfois il faut dire les choses

Vietnam3.jpg
Photo E.S.

Parfois il faut dire les choses. Sans chercher à rimer, à rythmer ce qui l'est déjà, à circonscrire le sens par la métaphore.

Il faut dire le vide que l'on ressent quand on est plein, la tristesse d'avoir tout pour être heureux, la joie d'apprendre à en pleurer.

Cet amalgame confus de sentiments étonnement convergents dessine, lorsqu'il s'inscrit dans la durée, les contours d'une croyance en l'absurde, croyance assez forte pour emplir l'espace cognitif rendu vacant par le refus assumé du bonheur comme idéal de spiritualité moderne.

Ces pensers mal avouables sont bien légitimes pourtant. Certes, la notion souvent usurpée de l'absurde vaut ce qu'elle vaut en tant que modèle d'appréhension du réel. Elle est cependant salutaire en ce qu'elle exclut toute certitude, tout savoir. Là où le bonheur, notion statique et idéale, doit s'apprendre pour être su, l'absurde, notion mouvante et dissonante demande d'être supposé pour être cru.

Croire que le monde est régi par l'absurde ne rend bien-sûr pas heureux, mais ne réduit pas non plus l'existence au néant. Car l'absurde n'est pas absence de sens, il est absence de sens extérieur au moi, au sens que l'on crée par ce en quoi l'on croit, il est confrontation de ce sens et de ce non-sens. Cette confrontation est saine lorsque savoir que le bonheur existe n'apaise en rien le douloureux pèlerinage d'exister.

Surtout, pour ce que cela laisse d'ouvert, d'indéfini et d'individualité responsable, croire vaudra à tous égards et de tout temps mieux que savoir.

Plaine perdue

Vietnam1.jpg
Photo E.S.

La lune séduit lestement
L'horizon noir et trop enflé

Ses langues d'eau salée
Etonnent le bitume
Fort peu accoutumé
A l'étrange amertume

Le jeu bien innocent
De rire dans le flux des marées
Devient impertinent
Lorsqu'il faut la ville amarrer

Car c'est la mer qui s'invite
Et n'attend pas pour traverser
La cité glissant
Ainsi qu'un miroir fondu
Sur la terre qui s'enfonce

Tant combattent les éléments
Que les berges et le temps chassés
Flottent sans joie sur les pavés
Fatigués comme deux amants

Degrés élémentaires

Vietnam2.jpg
Photo E.S.

Ru pleuré
En fils d'argent fondu
Rouille la terre
Qu'il fuit en chutant

Plus bas
La montagne sévère
Qu'un immense escalier
Fait sourire et briller
Lui offre droitement
Ses flancs plats saccadés

L'eau glisse alors
Vers ces marches liquides
Fertile miroir
De ce qui grandit là
Nourri d'espoir
Abreuvé de savoir

C'est qu'espérer savoir
Et savoir espérer
Font luire les yeux noirs
D'une grandeur débridée

Où les brumeux degrés
De l'échelle millénaire
Se gravissent à nu-pieds
Les vertus épurées
Des êtres existant malgré rien
Le coeur silencieux
Déposé sur les mains
Eclatent et mouillent les regards
De cette eau vive qui est tout

Sans bien connaître ses raisons
L'enfant se joue du tout du rien
Il apprend pourtant aux savants
Que l'on est grand qu'étant petit

Densités

DSC_1451.jpg
Photo E.S.

Bateau sobre aux voiles de vent
Tâtonne l'étrange
Façonne les songes
Epars, fugaces
Tressés de mystère
A la roche éparpillée
En sa plaine liquide

Ce ne sont pas les eaux qui fument
Ni le ciel qui brume
C'est la vapeur du rêve délité
Aux tourments mouillés de la pierre

Faux rais du crépuscule déplacé
Ont tant grandi les cimes
Que les airs transis de sommeil
Si prestement s'éveillent

De là-haut bientôt
Ils s'échaufferont
Pour décider sainement
S'il est juste, s'il est bon
Que demain encore
Le caillou si fort
Flotte sur la mer

Flots

1.jpg
Photo E.S.

Comme la goutte se dilue dans la mer, l'espace intime de l'habitat s'ouvre en fait sur la rue bourdonnante et se fond à sa vibration collective. Ces portions d'existence individuelles offertes aux grands flots urbains leur confèrent une saveur puissante et une énergie violente.

Cependant, l'envergure du tout ne se laisse goûter que comme accumulation hasardeuse de ses parties.

Ce n'est pas la rue qui crie; c'est le timbre perçant des vendeuses à la coiffe conique éveillant le piallement de dizaines d'oiselets encagés, eux-mêmes submergés par le vrombissement incessant des essaims motorisés.
Ce n'est pas la rue dont l'odeur force à humer; ce sont les fumets délicats et insistants que répandent les cuisines multicolores répandues sur le sol, ponctués parfois des sensations fuyantes que la vue de fruits inconnus suggère aux papilles inconscientes.
Ce n'est pas la rue qui ondoie et qui vibre; ce sont les bras levés à l'infini, les sourires rapides et ronds, les têtes tournées et les talons claqués, savamment orchestrés en une pulsation haletante et cyclique.

La rue n'existe pas. Point de convention ni de marcage organisant les directions. C'est un espace convergeant, c'est une artère vitale où les flux cohabitent avec un naturel déconcertant.

Ces élans collectifs pourtant ne réduisent pas l'individu, bien que délesté de son intime, à un simple élément constitutif. La conscience de faire partie du tout garantit sa cohésion et permet le détachement.

La mer sera mer tant que des gouttes pourront s'y supposer.

Edifice rampant

DSC_1118.jpg
Photo E.S.

Serpent de forte pierre
Reposé
A l'ombre d'un mystère

Il glisse sans bouger
Posé
Sur l'échine brisée

Qui donc a, bien habile
Osé
Contrefaire le reptile ?

L'orgueil froid de nos mânes
Et
La folie de leurs crânes

L'animal pétrifié mais fier
S'offre sans force au vent levé
S'ébroue, lassé d'être docile
Se mord la queue puis tout se fane

La nuit vaincue

DSC_0992.JPG

Photo E.S.

Vapeur de craie
Chauffée à blanc
S'empare de l'air
Et tout est lent

Même les ors
Des soirs modernes
Aux vrais Pierrots
Paraissent ternes

La lune antique
Aussi s'endort
Car tout nous quitte
Et s'évapore

Désert

DSC_0592.JPG Photo E.S.

Rien de ce qui est dit n'est vrai

Ces mots tracés aussi sont vains

Personne ne verra d'assez près

Que l’indicible ne se peint

L'infini certain

DSC_0614.JPG.jpg

Photo E.S.

Ce n'est plus le ciel froid qui contraint l'horizon
Ce sont les yeux plissés cherchant loin sans raison

Ce n'est plus la distance qui donne à lire l'espace
C'est bien le temps vécu qui tournoie puis qui passe

Ce n'est plus l'astre blanc qui défie l'incertain
C'est bien la route immense qui ondoie au lointain

L'infini s'éparpille en déserts cristallins
Puis s'émiette en brindilles dont le réel est plein

- page 1 de 3